Plusieurs fois ministre sous les présidences de Charles de Gaulle et Georges Pompidou, François-Xavier Ortoli devient en 1973 le premier Français à présider la Commission des Communautés européennes. Par la suite, en 1977, il est nommé vice-président chargé des Affaires économiques et financières. À l’occasion du centenaire de sa naissance (1925-2025), cet hommage revient sur la carrière de l’homme d’État, architecte de l’intégration économique européenne.
Un homme d’État au service de la France
François-Xavier Ortoli est né le 16 février 1925 à Ajaccio. À la suite de la nomination de son père au poste de fonctionnaire à l’administration coloniale française, la famille Ortoli s’installe à Hanoi en Indochine, où le jeune corse y passe son enfance et adolescence. Diplômé de la faculté de droit de Hanoi, il participe activement à la résistance française lors de l’occupation militaire de l’Indochine par l’Empire du Japon de 1940 à 1945. Son engagement lui vaudra plusieurs décorations, dont la croix de guerre, la médaille militaire et la médaille de la Résistance.
L’insurrection anticolonialiste menée par Hô Chi Minh contraint Ortoli à venir s’installer à Paris. En 1947, à moins de 22 ans, il intègre l’École nationale d’administration (ENA). Il devient inspecteur des finances et poursuit sa carrière dans différents cabinets ministériels. En 1956, il est appelé à rejoindre le cabinet du commissaire européen Robert Lemaignen en tant que directeur général. Ce qui ne devait être qu’une mission temporaire de 3 mois à la Commission se transforme en plusieurs années : en 1958, il devient directeur de la Communauté économique européenne et œuvre à la mise en place du Marché intérieur.
En 1962, il entre au cabinet du premier ministre français Georges Pompidou, en tant que conseiller technique pour les questions économiques avant de devenir commissaire général au Plan, en 1966. Apprécié pour son pragmatisme et sa discrétion auprès des médias, Ortoli est successivement nommé aux ministères de l’équipement et du logement (1967-1968), de l’éducation nationale (1968) et du développement industriel et scientifique (1969-1972). Il jouit de la confiance du Premier Ministre pour résoudre les diverses crises politiques auxquelles le gouvernement gaulliste est confronté, parmi lesquelles la contestation par les étudiants en mai 1968 et le risque de dévaluation de la monnaie française. Une polyvalence et efficacité qu’estime grandement Pompidou qui, devenu président, le désigne en 1972 pour la présidence de la Commission européenne.
Un économiste à la présidence de la Commission européenne
Ortoli devient en janvier 1973 le premier français à présider l’instance bruxelloise. La Commission dont il prend la tête est aussitôt confrontée à une importante restructuration interne et un environnement internationale incertain. A peine Ortoli prend-il ses fonctions que la Communauté s’élargit avec l’adhésion de l’Irlande, du Danemark et du Royaume-Uni. La guerre du Kippour et la crise chypriote fragilisent la sécurité régionale, tandis que le choc pétrolier de 1973-1974 révèle l’absence d’une politique commune de l’énergie. Ortoli comprend rapidement que la Communauté ne peut se limiter à la seule intégration économique de ses membres.
Sur fond de rivalité économique entre les Etats-Unis et le Japon, Ortoli travaille à faire de la Communauté un acteur commercial incontournable, notamment à travers la signature de la Convention de Lomé en 1975, destinée à renforcer la coopération commerciale avec 46 pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique.
Un architecte du projet européen
Tout à la fois discret auprès des médias et ferme dans sa gouvernance, Ortoli s’attache à assoir la légitimité politique de la Commission auprès de ses membres. Se présentant « davantage en tant que conciliateur qu’en autorité politique propre », Ortoli encourage la cohésion des États membres sur les dossiers économiques, énergétiques et monétaires, en dépit des nombreux blocages communautaires.
Sa confiance et sa contribution à la construction européenne font de lui un acteur clé de la création du Conseil européen en 1974 et de l’élection au suffrage universel direct des représentants à l’Assemblée parlementaire des Communautés européennes en 1976. En 1977, il reste à la Commission comme Vice-Président chargé des Affaires économiques et monétaires et participe à la création, en 1979, du Système monétaire européen (SME) comme nouvelle étape dans l’intégration européenne.
Après plus de dix ans à Bruxelles, François-Xavier Ortoli accepte le poste de PDG de Total-Compagnie Française des Pétroles, proposé par le Premier ministre. Il est ensuite nommé président du Medef International. François-Xavier Ortoli s’éteint le 29 novembre 2007, à l’âge de 82 ans.
Un homme au croisement de la France et de l’Europe
François-Xavier Ortoli laisse le souvenir d’un homme animé par son sens de l’État, son engagement envers l’intérêt communautaire et son idéal d’un monde ouvert et moderne. José Manuel Barroso, président de la Commission européenne de 2004 à 2014, célèbre « la mémoire de cet homme d’Etat français, remarquable à plusieurs titres, qui par sa détermination et son engagement sans faille au service de l’intérêt général a permis à l’Europe de rayonner dans le monde » ainsi que « une intelligence et un talent politique reconnus, et sans failles, au service de l’idéal européen ».
A l’occasion du centenaire de la naissance de François-Xavier Ortoli, la Maison de l’Europe de Paris vous convie à un colloque les 9 et 10 octobre 2024 organisé en partenariat avec l’Institut Georges Pompidou et la Représentation de la Commission européenne en France. Venez découvrir le parcours de cet homme d’État et les enjeux nationaux et européens de son époque.
La rédaction de cet article s’est basée sur la biographie de François-Xavier Ortoli, intitulée François-Xavier Ortoli. L’Europe, quel numéro de téléphone?, écrite par Laurence Badel et Eric Bussière, et publiée aux éditions Descartes.