Après un début de présidence marqué par un accord historique pour l’Union, l’Allemagne entame son second trimestre à la tête du Conseil de l’Union européenne. Sur la table des négociations, les dossiers sont pour le moins épineux.
Le premier juillet dernier, l’Allemagne a endossé la lourde tâche de diriger les travaux du Conseil de l’Union européenne (UE), institution représentant les intérêts des Etats-membres et co-législatrice aux côtés du Parlement européen.
> “Ensemble, rendons l’Europe plus forte”
Dans une période charnière pour le futur de l’Europe, malmenée par la pandémie de Covid-19, la délégation allemande a pris ses fonctions avec une ambition claire : “Gemeinsam, Europa wieder stark machen”*. Clin d’œil à peine dissimulé au célèbre “Make America great again”, le slogan de la présidence allemande n’a pas tardé à se matérialiser par des décisions concrètes.
Alors que l’idée de l’émission de dettes communes européennes semblait jusque-là inenvisageable, c’est sur un paquet-relance ambitieux, financé pour moitié par des « coronabonds », que se sont entendus les chefs d’Etat et de gouvernement le 21 juillet. « Un jour historique pour l’Europe » se sont accordés à dire la chancelière Angela Merkel et le président Emmanuel Macron.
> Des capacités de négociation réduites sous la présidence allemande
“Les succès que connaissent aujourd’hui la délégation allemande n’auraient pas été possibles sans les préparations faites par la présidence précédente, occupée par la Croatie” a tenu à préciser Pascal HECTOR, ministre plénipotentiaire de l’Ambassade d’Allemagne en France**.
S’il n’est habituellement pas aisé pour les Etats membres, en six mois de présidence, d’aboutir à des avancées tangibles, les circonstances créées par la pandémie sont venues exacerber ces difficultés. « Les capacités de négociation du Conseil de l’UE ont été réduites d’un quart à un tiers”, expliquait le ministre.
Par ailleurs, si l’accord du Conseil européen sur le plan de relance économique a été perçu comme une réelle victoire, il serait prématuré de dire que cet accord est acquis. Horst SEEHOFER, ministre de l’intérieur allemand, alertait déjà il y a quelques jours sur la lenteur des négociations au sein du Parlement européen, l’institution tenant à faire dépendre strictement l’octroi des fonds de relance au respect de l’Etat de droit… Une conditionnalité qui participe à la crispation de certains Etats-membres, comme la Hongrie ou la Pologne.
> Allemagne et souveraineté européenne
Au-delà des négociations relatives au plan de relance économique et face notamment aux enseignements tirés de la crise sanitaire, les priorités allemandes tendent pour la plupart vers l’établissement d’une véritable souveraineté européenne. “Il ne s’agit pas ici d’une conception juridique de la souveraineté, rattachée au concept d’Etat-nation » déclarait Pascal HECTOR. L’ambition allemande ne porte pas, en effet, sur l’établissement d’une Union européenne fédérale, sur le modèle du Bund allemand. “Il s’agirait plutôt d’une approche moderne de la notion de souveraineté s’analysant comme une capacité à agir” expliquait le ministre, faisant par là-même référence à ce qu’il considère comme étant l’esprit du discours de la Sorbonne d’Emmanuel Macron.
Parmi les priorités de l’Allemagne se retrouve ainsi la promotion d’une souveraineté dite “sanitaire”, se traduisant par le renforcement des organisations de santé européennes, le soutien d’initiatives européennes en faveur du développement d’un vaccin contre la Covid-19, ou encore le renforcement des stocks stratégiques européens avec des processus de relocalisation.
L’Allemagne souhaite également renforcer la souveraineté de l’Union en matière de relations extérieures, notamment dans ses relations avec la Chine ou les Etats-Unis. En effet, s’ils sont et restent souverains, les Etats-membres sont impuissants lorsqu’isolés sur la scène internationale.
> Nouveau pacte européen sur l’asile et migration : début des négociations sous la présidence allemande
“Rendre l’Europe plus forte”, c’est aussi soigner les maux qui l’affaiblissent depuis de nombreuses années. Si les négociations sur le Brexit en sont un, les discussions relatives à l’immigration européenne s’ajoutent également à la liste. Chargée d’orchestrer le début des tractations relatives au nouveau pacte asile et migration proposé par la Commission, la tâche sera d’une importance capitale pour la présidence allemande. L’Allemagne ne prétend d’ailleurs pas boucler le dossier d’ici la fin de l’année, mais espère cependant mettre les bouchées double afin de transmettre au Portugal, son successeur, un cadre des négociations bien établi.
* Slogan traduit en français par « Ensemble, rendons l’Europe plus forte »
** Les citations de Pascal Hector, ministre plénipotentiaire de l’Ambassade d’Allemagne en France, ont été récoltées lors de la conférence « L’Allemagne et les priorités de sa présidence du Conseil de l’UE » organisée par la Maison de l’Europe de Paris le 27 janvier 2020.
Pour en savoir plus sur l’ensemble des priorités de la présidence allemande du Conseil de l’UE, cliquez ici.
Article rédigé par la Maison de l’Europe de Paris et publié en partenariat avec Voix d’Europe le 7/10/2020