Retour sur trois jours de conférence à l’Académie européenne de Berlin pour les 35 ans de la chute du Mur

Retour sur trois jours de conférence à l’Académie européenne de Berlin pour les 35 ans de la chute du Mur

 

 

Du 7 au 10 novembre 2024, la Maison de l’Europe de Paris a accompagné dix jeunes français à Berlin, sur invitation de l’Académie européenne de Berlin, pour trois jours de séminaire portant sur le futur de l’Europe à l’heure des 35 ans de la chute du Mur de Berlin. Pour cette occasion étaient réunis une soixantaine de jeunes venus de plusieurs pays d’Europe. Allemands, Polonais, Bulgares, Lituaniens, Ukrainiens, Portugais, Turques, Irlandais et Français se sont retrouvés pour trois jours de débats, de tables rondes, de conférences et d’échanges plus stimulants les uns que les autres.

 

Ils ont pu rencontrer et discuter avec de nombreux invités de qualité dans des lieux prestigieux, comme lors du discours de David McAllister, président de la Commission des Affaires étrangères du Parlement européen, à l’Allianz-Forum (devant la porte de Brandebourg) ; ou lors de la rencontre avec Kai Wegner, Maire de Berlin, au sein de l’Hôtel de ville de Berlin. Le professeur Eckart Stratenschulte, ancien président de l’Académie, Jane Oispuu, la conseillère politique à la représentation permanente de la Commission européenne en Allemagne, la députée européenne, Hildegard Bentele, le président de l’Académie européenne de Berlin, Christian Johann, ainsi que les différents consultants et chargés d’enseignements de l’Académie ont également, par leur présence et intervention, brillé lors de ces trois jours de séminaire, leur expertise rendant les échanges d’autant plus enrichissants.

 

Le programme a été dense ! Dès le jeudi soir les participants ont eu l’opportunité d’assister au State of Europe speech à l’Allianz-Forum, sur invitation de la Fondation Konrad Adenaeur. Après une courte introduction par les différents intervenants et partenaires de l’évènement, David McAllister a exposé sa vision de l’état de l’Europe avec un focus portée sur les relations transatlantiques. S’en est suivi une discussion en présence de Dr. Emily Haber, ancienne ambassadrice d’Allemagne aux Etats-Unis, du Prof. Dr. Carlo Massala, professeur de politique internationale et de David McAllister, le tout modéré par Christian Johann, directeur de l’Académie européenne de Berlin (I).

 

La journée du vendredi fut l’occasion unique d’échanger avec Prof. Dr. Eckart Stratenschulte, ancien président de l’Académie européenne de Berlin et fonctionnaire à la mairie de Berlin-Ouest au moment de la Chute du Mur (II). Par la suite, Jane Oispuu, Estonienne et conseillère politique à la représentation de la Commission européenne en Allemagne, a ouvert la discussion sur le futur de l’Europe (III). La journée s’est poursuivie à l’Hôtel de ville de Berlin sur invitation de M. le Maire Kai Wegner. Après un discours introductif de sa part puis de Mme. Hildegard Bentele, membre du Parlement européen, des discussions autour de dix tables rondes ont été ouvertes (IV). Cette longue mais vivifiante journée s’est terminée par un diner commun avec les autres délégations.

 

Enfin, le samedi fut l’occasion de se déplacer sur les traces du Mur de Berlin grâce à une visite guidée de la ville (V). Lors d’un dernier rassemblement pour clôturer la journée, l’heure est au bilan (VI).

 

I – Jour 1 : State of Europe speech à l’Allianz-Forum

 

 

 

Pour la 15ème édition de ce « State of Europe Speech », David McAllister, président de la Commission des Affaires étrangères du Parlement européen, était invité à l’Allianz-Forum de Berlin par la Fondation Konrad Adenauer, pour présenter, dans le cadre d’une intervention de trente minutes, sa vision du futur des relations UE-USA, quelques jours après les élections américaines.

 

C’est dans une période particulière que David McAllister a tenu un discours sur l’état de l’Europe. Entre les élections américaines, les auditions des commissaires européens, la présidence du conseil de l’UE par la Hongrie, la guerre en Ukraine et au Moyen-Orient ou encore la montée du populisme et du sentiment anti-européen ; l’Union européenne est à un tournant.

 

David McAllister a alors exposé la nécessité de construire une Europe plus unifiée, une alliance plus forte pour appréhender le futur en commun. Il a insisté sur la nécessité de laisser les canaux de communication ouverts et de les renforcer. L’état de droit et la démocratie ne sont pas acquis et doivent être défendus chaque jour : voilà le combat que nous avons tendance à oublier et que David McAllister souhaite remettre dans les esprits de tous. A ce titre, il a présenté cinq grands challenges à relever pour les cinq prochaines années.

 

D’abord la compétitivité. A l’image des rapports Draghi et Letta, il a insisté sur le besoin urgent d’une Europe plus compétitive en réponse à l’inflation américaine et aux politiques chinoises. Cela passe selon lui par le renforcement du marché unique, cœur de notre succès, et la nécessité d’aboutir à des accords de libre-échange avec les pays du Mercosur. Il a souligné également le besoin de réduire notre bureaucratie. Ensuite, l’environnement, défi majeur de ces cinq prochaines années, qui doit se composer avec les autres actions de l’Union. Il a également présenté l’immigration comme un élément clef. S’il faut mieux contrôler l’immigration irrégulière, il a insisté aussi sur le besoin pour l’Europe des migrations régulières. Ainsi, s’il faut protéger les frontières extérieures, il ne faut pour autant pas renforcer les frontières intérieures. David McAllister a exposé également l’impératif de transparence dans le travail de l’UE pour renouer la confiance avec les citoyens. Enfin, il a prôné l’importance d’une politique étrangère et de défense commune entre les Etats. C’est par plus de coopération en matière de sécurité que celle-ci sera mieux préservée pour tous. « Bien que l’UE soit un soft power, même les soft power ont besoin de capacités de hard power », a-t-il conclu.

 

II – Jour 2 : échanges avec le prof. dr. Eckart Stratenschulte

 

 

Le deuxième jour a commencé par le témoignage de M. Eckart Stratenschulte, ancien président de l’Académie européenne de Berlin mais surtout témoin de premier plan de la chute du Mur de Berlin, en sa qualité de fonctionnaire à la mairie de Berlin-Ouest à cette date.

 

Arrivé en 1978 à Berlin, il a raconté comment pour lui le Mur représentait quelque chose de fâcheux mais de normal. C’était un fait ancré dans la banalité des choses, une situation qui allait rester de la sorte. Il s’agissait de vivre avec une réalité : celle du Mur.

 

Il a précisé n’avoir eu que très peu d’occasion de traverser la frontière. Néanmoins, il a partagé l’anecdote d’une visite du côté de Berlin-Est alors qu’il accompagnait une délégation d’Américains. Il a raconté s’être proposé comme traducteur pour le groupe, en prenant soin de ne pas préciser aux autorités est-allemandes qu’il était citoyen allemand. Cela lui a permis de passer la frontière et d’accompagner le groupe d’Américains de l’autre côté du Mur. Il a expliqué alors l’excitation que cela lui a procuré et le sentiment particulier qu’il a pu ressentir, simplement d’être de l’autre côté de la même ville. En reprenant des termes empruntés à Helmut Kohl, il a bien précisé que ceux qui étaient enfermés, les berlinois de l’Ouest, étaient en réalité ceux qui étaient libres.

 

En revenant sur les évènements qui ont précédé la chute du Mur dans la soirée du 9 novembre 1989, il était marquant de voir à quel point les détails peuvent jouer une grande importance. D’abord les évènements du pique-nique européen en Hongrie et l’exode massif Est-allemand (légal). Ensuite, l’erreur de Günter Schabowski, dirigeant de l’Allemagne de l’Est, en conférence de presse, qui a précipité les mouvements vers les points de passages. L’ouverture du premier poste frontière, Bornholmer Strasse, dépassé par les évènements et faisant face à des consignes imprécises. Plus anecdotiquement, M. Stratenschulte a confié que le hasard d’une discussion avec sa femme l’avait fait rester à Berlin alors même qu’il devait se rendre au Canada ce jour-là. Il a insisté sur le fait que la Chute s’est faite dans la paix la plus totale, ce qui parait encore aujourd’hui improbable quand on sait le nombre de mort que le Mur a pu faire au cours de son existence.

 

La chute du Mur de Berlin, racontée par une personne l’ayant vécu, rend plus concret et tangible cet évènement historique, pour nous, jeunes citoyens européens ne l’ayant pas vécu.

 

Une fois le Mur tombé, l’ancien Président de l’Académie a raconté comment s’est fait la réunification des deux Berlin. Il a décrit un élan général de générosité alors même que, selon ses propos, le Berlinois ne l’est pas par nature. Il a expliqué que les gens laissaient leur place dans le bus, offraient du café dans la rue, proposaient des Deutschemarks aux berlinois de l’est. Il y eut, au début, une large culture de l’accueil, l’idée pour les Berlinois de l’ouest que les Berlinois de l’est étaient les mêmes qu’eux. Cependant, Eckart Stratenschulte a expliqué qu’un fossé s’était rapidement creusé entre les deux cultures. Il a fallu du temps pour qu’ils acceptent que les Berlinois de l’est étaient différents.

 

Il a ajouté que les Berlinois de l’Ouest, au moment de la réunification, avaient fait preuve d’arrogance. La réunification n’était pas nécessairement voulue ou du moins n’était pas nécessairement la priorité des Berlinois de l’Ouest. A titre d’exemple, il a expliqué que lorsque le chancelier allemand Helmut Kohl est venu présenter une liste de dix points à achever pour la réunification de l’Allemagne, la réunification de Berlin n’était que le dixième point. Or Berlin a été réunifiée dès 1990. La réunification, sous pression berlinoise de l’est notamment, a donc été véritablement plus rapide que l’on aurait pu l’imaginer ou le vouloir. Le témoignage de M. Stratenschulte au sujet de la réunification est d’autant plus précieux qu’il a fait partie des artisans de cette réunification.

 

Il a fini son témoignage en précisant que l’unification n’est toujours pas complète à ce jour. Il a exposé les risques, à ne pas négliger, de tension entre Est et Ouest. Il a consenti également que des erreurs ont été faites dans cette réunification mais qu’il faut aussi garder en tête que celle-ci n’avait été ni prévisible ni prévue. Rien n’avait alors été imaginé.

 

III – Jour 2 : « The futur of EU » avec Jane Oispuu

 

 

La seconde partie de la matinée, consistait en un débat avec Jane Oispuu, conseillère politique à la Représentation de la Commission européenne en Allemagne. Cette dernière s’est concentrée davantage sur le futur de l’Europe. La discussion était orientée autour de trois sujets clés : la sécurité en Europe, la compétitivité de l’UE et la géopolitique de l’UE.

 

Du premier sujet est ressorti l’approche contrastée entre les pays de l’Ouest de l’Union et les pays de l’Est de l’Union. S’oppose alors une vision plutôt utopiste face à une vision plutôt pragmatique de la sécurité. La nomination de l’Estonienne, Kaja Kallas, au poste de Haute représentante de l’Union pour les Affaires étrangères et la politique de sécurité semble démontrer un passage vers plus de pragmatisme et d’activisme en matière de sécurité.

 

Des discussions autour de la compétitivité, il est ressorti que si on perd notre qualité de vie en Europe on risque de perdre notre leadership, c’est pourquoi la compétitivité est importante.

 

En ce qui concerne la question de la géopolitique, les discussions ont démontré un changement de stratégie de l’UE en ce qui concerne son système d’adhésion. Il semble désormais davantage stratégique pour l’UE d’avoir de nouveaux membres, la position s’inverse donc et des efforts bilatéraux sont établis. Il ne s’agit plus unilatéralement à l’Etat candidat de faire la totalité des efforts. Les débats ont en tout état de cause été vifs et les points de vue divergents entre les citoyens des différents pays de l’Union.

 

IV – Jour 2 : World café « security in Europe – actors rethought » – Hôtel de Ville de Berlin

 

 

L’après-midi du vendredi a été marquée par l’évènement central de ce séminaire : « Celebrating 35 years of change : Young voices for a united Europe ». Après un discours d’ouverture prononcé par le Maire de Berlin, Kai Wegner, et une intervention de la député européenne Hildegard Bentele, dix tables rondes ont été ouvertes. Le thème général de ce « world café » portait sur la sécurité en Europe.

 

Tout au long de l’après-midi les échanges ont été constructifs et ont permis à tous de comprendre comment un même sujet peut être appréhendé différemment en fonction des origines et de l’historique de chacun. Le sujet de la sécurité a marqué véritablement les oppositions de point de vue. Ce qui ressort néanmoins est que tous les débats se sont faits dans le respect et l’écoute. Tous les participants étaient ouverts à la discussion et à la confrontation des idées.

 

Un podcast retraçant ces discussions et dressant un bilan des tables rondes est disponible en cliquant ici.

 

V – Jour 3 : City tour sur les traces du Mur de Berlin

 

Pour finir le séminaire, les délégations divisées en petits groupes ont eu l’occasion d’avoir un tour guidé du centre de Berlin. La visite fut riche en découvertes historiques et anecdotiques.

 

 

 

VI – Bilan

 

Ce séminaire a marqué les esprits à plusieurs égards.

 

D’abord par l’organisation et l’accueil de l’Académie européenne de Berlin. Du lieu aux personnels encadrants, le séminaire était une réussite.

 

Ensuite, par la qualité des échanges, intellectuellement toujours élevés malgré la fatigue et le rythme effréné. La confrontation des idées entre les jeunes et les intervenants a permis des échanges stimulants et constructifs.

 

Enfin, le séjour n’aurait pas été le même sans la bienveillance et l’ouverture d’esprit de l’ensemble des jeunes participants, toujours prêts à discuter et à débattre sur leur position. La cohésion, dès le départ instauré, n’a fait que renforcer un esprit de camaraderie si appréciable et propice à des débats plus ouverts et approfondis !

 

Il ressort de ces trois jours que ce n’est qu’ensemble, unis sur un même territoire et derrière des mêmes valeurs, prêts à défendre notre système, que nous serons plus forts. Pour être prête à affronter l’avenir, l’Europe se doit de rétablir la confiance avec ses citoyens. C’est en consolidant nos liens que nous renforcerons l’Union.

 

Trente-cinq ans après la chute du Mur de Berlin, il reste encore beaucoup à faire. La réunification de Berlin et même de l’Allemagne n’est pas complète tout comme l’Europe n’est pas totalement unie. Il reste du travail, un travail qui ne pourra sans aucun doute aboutir que par l’union et la coopération.

 

Beaucoup des intervenants disaient de nous, les jeunes, que nous sommes le futur. Il était frappant d’entendre à chacune de leurs interventions la mention faite au panel de jeunes et combien ils voyaient en ce derniers le futur de l’Europe. C’est un discours porteur d’espoir et de motivation. Il mobilise et démontre la confiance portée dans la jeunesse européenne engagée. Néanmoins, il semble important de préciser que nous représentons aussi le présent. Ne parler de nous qu’en tant que futur de l’Europe établit une distance entre nous, jeunes citoyens européens, et eux, les décisionnaires ou acteurs institutionnels. Comme une sorte de hiérarchie, ils semblent parfois oublier le poids que nous pouvons avoir sur nos épaules.

 

N’oublient-ils pas l’importance de notre parole et de nos idées ? Ne négligent-ils pas le rôle que la jeunesse européenne a à jouer aujourd’hui ? Si nous sommes le futur, nous sommes aussi le présent : voilà ce qui gagnerait à être pris en considération et voilà peut-être le regard critique apportée comme bilan par les participants sur ces trois jours de séminaire.

Maison de l'Europe de Paris

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