L’élargissement et les enjeux de l’intégration

L’élargissement et les enjeux de l’intégration

L’histoire des élargissements n’est pas sans résistance : en effet durant les différentes vagues d’élargissement, de 1973 à 2013, la question du souverainisme ralentit l’évolution. Les élargissements sont alors question d’intérêt. L’UE est d’abord pensée comme une Union économique et monétaire, le président français de 1969 à 1974, Georges Pompidou, misait sur l’entrée du Royaume-Uni dans l’UE, précédemment rejetée par De Gaulle, afin d’empêcher le développement de l’UE vers plus de supranationalité. L’entrée du Royaume-Uni a déclenché des conflits politiques, (comme développait Sylvain Kahn dans l’article « Comprendre l’histoire de l’UE par ses élargissements successifs : de 1957 à 1973 » publié le 18 février 2024 par the conversation) en voyant se développer une bureaucratie contre-productive et une limitation de sa souveraineté. Ce conflit a eu une grande importance au sein de l’UE, bloquant la construction européenne du libre-échange mais aussi en terme communautaire, en refusant tout compromis. Le souverainisme a ainsi freiné même la possible fédéralisation de l’UE.

 

Par la suite, l’intérêt va se porter sur l’élargissement à la Grèce (1981), à l’Espagne et au Portugal (1986), en pleine transition démocratique. La France giscardienne a freiné quand même ces élargissements, ces pays n’apparaissaient pas comme attrayants financièrement et étaient vus comme des « périphéries économiques et politiques », peu industrialisés et urbanisés. Le grand élargissement de 2004-2007 marque en revanche une importance donnée au retour de la démocratie au sein des pays d’Europe centrale, entrainant de nombreuses réformes de la justice et du système économique notamment. Tous ces élargissements n’ont conduit cependant à aucune modification du cadre institutionnel, toujours basé sur la règle de l’unanimité. On a pu le voir au moment de la candidature d’adhésion de la Macédoine du Nord, la Bulgarie en raison d’un différend historique et linguistique après la scission de l’ex-Yougoslavie, bloquant les discussions d’adhésions. Olaf Scholz, chancelier allemand, en aout 2022, défendait donc l’idée de procéder à des réformes institutionnelles qui devraient précéder à de nouvelles adhésions, notamment la fin de l’unanimité pour la politique étrangère et la fiscalité, et des mesures contre les démocraties illibérales.

 

Les opportunités de l’élargissement sont-elles seulement économiques ?

 

Il est indéniable que l’élargissement génère de nouvelles opportunités, particulièrement avec le marché unique qui offre des perspectives d’échanges importants de biens, de services et des personnes. Cela afin de pouvoir voyager et travailler librement dans la zone euro, grâce à l’espace Schengen. L’UE apporte des libertés mais une protection aussi, que ce soit environnementale, sociales, etc.

 

En termes d’opportunités politiques, cela offre aussi une homogénéisation des politiques des États membres et de fait une concurrence plus juste, tout en poussant à l’investissement et à l’innovation. Tout cela donne un poids important à l’international et l’UE apparait comme un partenaire de choix, troisième plus gros PIB de 15 905 milliards d’euros en 2022. Selon Jacques Delors (ancien président de la commission européenne de 1985 et 1995, contribuant ainsi à AUE, l’accord de Schengen etc.), l’UE existerait non pas grâce à l’économie, mais serait le fruit avant tout d’une culture. L’économie viendrait seulement combler un vide.

 

La citoyenneté européenne est-elle une réalité ?

 

Cette question, souvent mise en avant par les souverainistes, n’est en rien une réalité univoque au sein de l’UE. En effet nous avons pu interroger des membres de l’ambassade d’Estonie en France, confiant leur forte adhésion envers l’UE. L’Eurobaromètre corrobore cela, 70% des Estoniens se sentent d’accord avec l’affirmation « Vous vous sentez citoyen de l’Union européenne » dans un rapport publié en décembre 2023, contre seulement 43% de Français. Selon les mots d’un auteur français expatrié en Estonie, Xavier Bouvet (auteur du bateau blanc paru en 2023) « L’Estonie a choisi l’UE, là où la France peut avoir le luxe d’être un État fondateur, les discours français prennent du recul par rapport à l’UE, ce n’est vraiment pas le cas en Estonie ». Ainsi l’opinion publique partage ce soutien à l’UE, en le démontrant par des discours intensément européens, marqués par la paix et la justice.

 

L’Union européenne est l’opportunité de créer un « idéal » de démocratie non plus seulement au niveau national mais au niveau international. Catherine Lalumière (ancienne secrétaire générale du conseil de l’Europe et présidente d’honneur de la Maison d’Europe de Paris), parle de son engagement ainsi, en rappelant la construction européenne :

 

« Mon engagement sentimental c’est au conseil de l’Europe que je l’ai ressenti, c’est-à-dire à partir de la chute du mur de Berlin, de la réunification de l’Europe. Et là vraiment je me suis donnée corps et âme à ce travail, à cette ouverture à l’Europe centrale et orientale. C’est le contact avec les Hommes qui faisaient les révolutions à l’Est, c’est tout ça qui m’a touché et qui m’a fait sentir à quel point la construction européenne était un projet original et magnifique. »

Maison de l'Europe de Paris

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