Le Triangle de Weimar, un nouvel élan pro-européen

Le Triangle de Weimar, un nouvel élan pro-européen

 

Depuis l’élection du nouveau Premier Ministre polonais Donald Tusk, en octobre 2023, le format intitulé « Triangle de Weimar » connait un nouvel élan, aussi bien politique que médiatique. Bien que cette coopération soit capitale, elle est souvent méconnue des européens.

 

Qu’est-ce que le Triangle de Weimar ?

 

Il s’agit d’une coopération trilatérale entre la France, l’Allemagne et la Pologne. L’importance de ce « Triangle » réside dans le fait qu’il rassemble trois des cinq pays européens les plus peuplés, soit 200 millions d’habitants sur les 500 millions que compte l’UE. Le choix de son nom est à la fois symbolique et historique : Weimar est la ville où a été fondé le premier régime démocratique allemand, la République de Weimar, qui disparut avec la montée du nazisme.

 

Il a été créé en 1991, à la suite de la chute du mur de Berlin, et à l’initiative des ministres des Affaires étrangères de ces trois pays, dans le but de réconcilier les sociétés européennes afin de construire une Europe plus forte. Cette collaboration a également soutenu et préparé l’adhésion de la Pologne à l’OTAN (1999) et à l’UE (2004).

 

Extrait de la déclaration :

 

« Il est nécessaire d’apporter une aide globale aux pays réformateurs d’Europe centrale et orientale, y compris l’Union Soviétique. L’Europe ne doit pas être divisée par de nouvelles frontières entre pauvres et riches. La France et l’Allemagne soutiennent tous les efforts visant à rapprocher la Pologne et les nouvelles démocraties de la Communauté européenne. »

 

Le processus de paix et d’amitié franco-allemande a grandement inspiré cette nouvelle collaboration. Afin de sortir de leur rivalité historique, Jean Monnet initie la création de la Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier (CECA, 1951) qui met en commun la production de charbon et d’acier des deux pays, et empêche alors toute déclaration de guerre. En 1963, le traité de l’Elysée scelle l’amitié franco-allemande et la coopération concrète en termes de politique étrangère, défense ainsi que d’éducation et la jeunesse.

 

Depuis que ses premiers objectifs ont été atteints, le « Triangle » permet aux pays de se concerter en amont des échéances européennes et de développer des convergences sur les principaux sujets de l’actualité européenne. Le dialogue politique a lieu à plusieurs niveaux : entre chefs d’Etat et de gouvernement, entre ministres des Affaires étrangères et Secrétaires d’Etats des Affaires européennes, entre autres Ministres selon la thématique et entre les parlementaires.

 

Au-delà de l’aspect politique, une coopération concrète s’est installée dans le domaine universitaire, avec des projets franco-germano-polonais ou encore la création d’un master tri national d’études européennes Europa ; et dans le domaine de la recherche, avec des colloques et projets de recherche trilatéraux.

 

Le Triangle de Weimar, entre faiblesse et réaffirmation

 

Certaines caractéristiques du « Triangle » affaiblissent parfois son efficacité. En effet, les relations franco-allemandes sont bien antérieures aux germano-polonaises. Les attentes ne sont pas les mêmes et créent des déséquilibres dans le dialogue : par exemple, en 2003, la Pologne a choisi de soutenir les Etats-Unis dans la guerre d’Irak, contrairement à la France et l’Allemagne. Dès les années 2000, les divergences entre les trois pays, quels qu’ils soient, dégradent la portée du « Triangle ».

 

De plus, même si les rencontres ont lieu régulièrement et ne dépendant plus du bon vouloir des politiques depuis 2011, la situation ne s’est pas améliorée. L’élection en 2016 du parti eurosceptique polonais Droit et Justice (PiS) et les atteintes à l’Etat de droit ont ralenti la portée de la collaboration, marquée par l’annulation de plusieurs rencontres. Ajouté à l’approfondissement de l’amitié franco-allemande avec le traité d’Aix la Chapelle (2019), rien ne semblait pouvoir relancer le trio.

 

Cependant, l’élection de Donald Tusk en octobre 2023 devrait, comme en 2007, remettre au jour la coalition « oubliée ces dernières années » (M. Sikorski, Ministre des Affaires étrangères polonais). Une ambition affirmée dans la dernière rencontre du 12 février 2024 à La Celle-Saint-Cloud.

 

Deux ans après l’invasion de l’Ukraine par la Russie, le soutien des trois pays a été réitéré, notamment avec l’intention d’organiser une réunion élargie « Weimar + Ukraine » des ministres des Affaires étrangères et d’apporter concrètement leur aide dans son processus d’adhésion. D’ailleurs, en 2014, l’annexion de la péninsule de Crimée par la Fédération de Russie avait déjà été l’impulsion d’une réelle réactivation du Triangle de Weimar. Cette rencontre a aussi permis de faire un point sur la « situation humanitaire catastrophique à Gaza », de condamner les actes du Hamas et des colons contre les Palestiniens en Cisjordanie, et de promouvoir la solution des deux États.

 

Le retour de Donald Trump sur la scène politique et sa claire volonté de se désengager de l’OTAN, s’il venait à être réélu, a aussi mis au-devant de la scène l’importance d’une souveraineté européenne innovante et compétitive en termes de défense : l’Europe doit être, selon Stéphane Séjourné (Ministre des Affaires étrangères français), « une deuxième assurance vie , parce que l’Europe ne peux pas se payer le luxe de réfléchir à sa propre sécurité et d’être dépendante d’une élection extérieure ».

 

Après tout, le Triangle de Weimar ne fait que poursuivre et renforcer son objectif initial : rendre l’Europe puissante et solidaire.

 

Maison de l'Europe de Paris

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