Après 6 mois de présidence polonaise, c’est au tour du Danemark de prendre les rênes du Conseil de l’Union européenne. A compter du 1er juillet jusqu’au 31 décembre 2025, Copenhague régira pour la huitième fois de l’histoire les affaires européennes, la dernière présidence danoise datant de 2012. Il s’agit du deuxième membre du trio présidentiel constitué de la Pologne, du Danemark et de Chypre. Ce système permet d’assurer que certains thèmes soient traités de manière continue au cours des 18 mois de présidence. Les points clés de ce trio de présidence sont : « Une Europe forte et sûre ; Une Europe prospère et compétitive ; et une Europe libre et démocratique ».
Sur cette base, chaque pays prépare son propre programme détaillé pour une durée de 6 mois.
Dans un monde en mutation, la devise choisie par Copenhague, « Une Europe forte dans un monde en changement », reflète les priorités qu’elle portera tout au long de ce semestre.
En dehors d’être un royaume ancien et connu pour être le pays du vélo, l’histoire du Danemark comprend des faits peu connus. En effet, le Danemark est l’un des premiers pays au monde à avoir accordé le suffrage universel dont celui féminin en 1915. Il possède également le plus vieux drapeau du monde, officiellement adopté par la famille royale en 1397. Concernant sa relation avec l’UE, Copenhague adhère à la CEE en 1973, en même temps que le Royaume-Uni et l’Irlande, faisant de lui une partie prenante de l’Europe des 9. Aujourd’hui, le pays dispose de 14 sièges au Parlement Européen, et est représenté par Dan Jørgensen, le commissaire européen à l’Energie et au Logement.
Le Danemark est attaché à la notion d’une Europe souverainiste, et aux spécificités nationales. Rappelons qu’il a rejeté le traité de Maastricht à une courte majorité (50,7%) en 1992 et a également obtenu quelques concessions : il ne prend pas part à la zone euro, à la citoyenneté européenne, ni à la coopération policière et judiciaire et à la politique de défense commune. Néanmoins, le 1er juin 2022, le gouvernement danois a organisé un nouveau référendum, au sujet cette fois de l’intégration du pays à la politique de sécurité et de défense commune (PSDC) – une décision motivée par le contexte de la guerre en Ukraine. Cette fois, près de 67 % des Danois ont approuvé cette intégration, revenant sur l’exception obtenue par Copenhague en 1992.
Afin de discuter des priorités et ambitions de la présidence danoise, la Trans European Policy Studies Association (TEPSA) et le Danish Institute for International Studies (DIIS) en coopération avec le Think Tank EUROPA ont organisé une conférence pré-présidence qui s’est tenue les 22 et 23 mai à Copenhague. Elle s’est axée sur plusieurs thématiques :
- Défense et sécurité
- La guerre en Ukraine
- L’état d’avancement des projets d’élargissements de l’UE
- La sécurité maritime
- La place de l’UE sur la scène mondiale
- La compétition et les échanges commerciaux
- La transition énergétique
La présidence danoise abrite également des questions géopolitiques centrales comme peuvent le témoigner les tensions inter-atlantiques concernant le Groenland. Depuis que Donald Trump a partagé son ambition d’annexer le Groenland, le gouvernement local ainsi que la communauté européenne se sont saisis de sa protection. Bien que le Groenland soit un territoire danois, il a quitté la CEE en 1985 à la suite d’un référendum en 1982. Cependant, l’île bénéficie d’un statut spécial : elle reçoit des fonds européens, et ses 56 000 habitants sont considérés comme des citoyens de l’Union.
Ce territoire stratégique sur les plans commerciaux et militaires est couvert par la clause de défense mutuelle prévue par les traités de l’UE. Le 7 mai, un nouveau seuil a été atteint dans la crise diplomatique entre Copenhague et Washington lorsque le ministre des affaires étrangères danois, Lars Lokke Rasmussen, a annoncé qu’il allait convoquer l’ambassadeur américain par intérim à Copenhague, après la parution d’un article dans le Wall Street Journal, révélant que les Etats-Unis se préparent à intensifier leurs activités d’espionnage sur le Groenland. Ainsi, la question de souveraineté du Groenland et les relations inter atlantiques seront au cœur des discussions.
A la tête du conseil de l’UE, Copenhague devra se confronter à de nombreux défis, notamment la politique mouvante de Trump et les relations économiques entre les Etats-Unis et l’UE, ou encore la menace réelle du Kremlin. L’exécutif de l’UE devrait préconiser une augmentation du prochain budget au-delà de 1 % du PIB annuel de l’Union, afin de contrer la menace militaire croissante de Moscou. L’ambassadeur permanent de Copenhague auprès de l’UE, Carsten Grønbech-Jensen, a déclaré que la guerre menée actuellement par la Russie en Ukraine signifie que le Danemark ne peut pas se permettre de rester un pays traditionnellement économe lors des négociations sur le prochain cadre financier pluriannuel. Il a également averti les niveaux élevés de déficit et de dette dans les pays de l’UE signifiant qu’il sera « vraiment difficile » d’augmenter la taille du budget, ajoutant que les investissements devraient plutôt provenir du secteur privé. « Je ne pense pas que nous irons trop loin dans la discussion des chiffres pendant la présidence danoise, ce sera pour plus tard », a-t-il déclaré.
Sur une scène mondiale animée par de multiples tensions, la présidence danoise arrive à un moment d’urgente nécessité de diplomatie. Réussira-t-elle à unir une Europe fragilisée et renforcer sa capacité à se défendre face aux menaces externes mais aussi internes ? Si Copenhague a du pain sur la planche, elle n’a pas moins d’ambition pour sa présidence, qui débute aujourd’hui.
Pour approfondir, le site officiel de la présidence danoise.