Après des décennies de débats, d’argumentation et de pourparlers, le brevet unitaire européen est finalement entré en vigueur le 1 juin 2023. Le 19 juin, la Chambre de commerce et d’industrie de Paris (CCIP) a organisé une conférence lors du 13ème forum de l’Europe se tenant à Paris dans le cadre du 30ème anniversaire du Marché Unique, afin de présenter au public le nouvel outil d’innovation. (la conférence peut être visionnée ici).
Le brevet unitaire est un projet de longue date qui a connu de nombreux obstacles : en 2004, un lourd désaccord sur le régime linguistique du brevet conduisit à un échec de la réforme. Plus tard, alors que les règlements instaurant le brevet unitaire avaient été adoptés le 20 janvier 2012, le brevet unitaire n’était toujours pas opérationnel car pour qu’il le soit il fallait que l’accord relatif à la juridiction unifiée des brevets (JUB, indispensable dans le processus d’application du brevet unitaire) soit ratifié par au moins 13 états membres, dont les trois plus grands demandeurs de brevets : l’Allemagne, la France et le Royaume-Uni. Néanmoins, en 2020, le Royaume-Uni quitte l’Union Européenne, la réforme échoue et le projet se retrouve alors lourdement freiné. Malgré cela, la Commission Européenne se montre déterminée à poursuivre le projet en publiant son livre vert sur le brevet unitaire. C’est seulement le 1 juin 2023 (soit dix ans après l’établissement du système de brevet unitaire) que l’accord sur la JUB a été enfin accepté et ratifié par 17 états membre de l’UE. La réforme étant passée, le brevet unitaire est désormais officiellement proposé par l’Office Européen des brevets (OEB).
La démarche d’acquisition du brevet européen à effet unitaire débute comme celle d’un brevet européen lambda délivré par l’OEB. Ainsi rien ne change dans la phase préalable à la délivrance. Une fois le brevet européen délivré, le titulaire est libre de demander l’effet unitaire et obtenir ainsi un brevet européen à effet unitaire, s’il le souhaite.
Les avantages du brevet unitaire sont nombreux. Tout d’abord, aucune taxe n’est prélevée, ni pour le dépôt, ni pour l’inscription. La traduction n’est requise qu’à titre d’information et n’a aucun impact juridique. Pour les PME (petites et moyennes entreprises), les organisations à but non lucratif et les organismes de recherche publique, les couts liés à la traduction sont couverts et ils reçoivent un montant forfaitaire de 500 euros lors de l’inscription de leurs brevets unitaires. Les taxes annuelles ont été fixées à un niveau très compétitif, il n’y a qu’une procédure, qu’un seul délai et le paiement s’effectue en euros. L’OEB se charge de toute l’administration post-délivrance ce qui réduit le cout et les formalités administratives. Finalement, le brevet unitaire confère une protection uniforme grâce à la juridiction unifiée des brevets. Nous pouvons donc conclure que le brevet unitaire européen est tout d’abord moins coûteux qu’un brevet européen basic, il représente un outil de poids pour l’industrie européenne et favorise tout particulièrement les PME, enfin il permet d’obtenir une meilleure protection dans les 25 états membres de l’Union européenne par le biais du dépôt d’une seule demande auprès de l’OEB et met fin aux procédures de validation nationales, couteuses, complexes et chronophages.
Source de la carte : Office Européen des Brevets
Même si le brevet unitaire semble parfait, certains états membres de l’Union européenne y restent formellement opposés. L’Espagne, par exemple, avait fait recours auprès de la Cours de Justice de l’Union européenne dans le but d’annuler les règlements adoptés, notamment ceux concernant le régime linguistique. Le Royaume-Uni, de son côté, considère le brevet unitaire comme du « pain béni » pour « les Patents Trolls » (entreprise qui obtient les droits sur un ou plusieurs brevets afin de réaliser des bénéfices par le biais de licences ou de litiges, plutôt qu’en produisant ses propres biens ou services).
Pour conclure, même si le brevet unitaire se heurte à quelques résistances de la part de certains états, il semble être un réel atout pour l’économie, la productivité et l’innovation européenne.
Prix de l’inventeur européen
L’Office européen des brevets (OEB) a annoncé ses 12 finalistes pour le prix de l’inventeur européen, qui sera décerné le 4 juillet, à Valence (Espagne). L’innovation française est à l’honneur cette année avec deux finalistes :
- « Recherche ». Le groupe de chercheurs du CNRS composé de Patricia de Rango, Daniel Fruchart, Albin Chaise, Michel Jehan et Nataliya Skryabina
- « PME ». Antoine Hubert et son équipe de l’entreprise Ÿnsect