La difficile adhésion du Kosovo à l’UE…

La difficile adhésion du Kosovo à l’UE…

 

Depuis sa création en 1951, l’Union européenne (UE) n’a cessé de s’élargir. Si aujourd’hui elle compte vingt-sept Etats-membres, elle pourrait demain en compter bien plus. L’attrait des pays du continent européen envers l’UE reste constant, même si les raisons qui poussent un pays à faire partie de l’Union ont changé : hier elles étaient économiques, maintenant elles concernent plutôt la défense. Neuf états sont aujourd’hui candidates : l’Albanie, la Bosnie-Herzégovine, la Macédoine du Nord, la Moldavie, le Monténégro, la Serbie, la Turquie, l’Ukraine et la Géorgie sont titulaires du statut officiel de candidat et ont entamé le long processus pour, in fine, intégrer l’UE.

 

Parmi ces candidats on retrouve les pays des Balkans. Cinq pays, historiquement nés de la dislocation de la Yougoslavie, n’ont toujours pas abouti leur processus d’adhésion bien qu’ils soient pour la plupart candidats depuis quelques années. Néanmoins, si l’on regarde dans le détail des pays balkaniques candidats à l’adhésion on s’aperçoit que l’un d’eux semble manquer à l’appel : le Kosovo, un pays ayant déclaré son indépendance en 2008, soit un des plus nouveaux états d’Europe. En effet, bien que les liens entre l’UE et le Kosovo soient étroits, ce dernier ne possède pas le statut de candidat.

 

Les conditions d’une candidature à l’Union européenne

 

Pour obtenir le statut du candidat à l’adhésion, une fois la demande déposée par l’Etat qui la sollicite, il faut que l’ensemble des Etats-membres l’acceptent. Or, bien que le Kosovo ait déposé une demande d’adhésion à l’UE le 15 décembre 2022, de nombreux facteurs s’opposent à une acceptation unanime de cette dernière. Or, déjà, il se trouve que plusieurs pays de l’UE – dont la Roumanie, l’Espagne, le Chypre, la Slovaquie et la Grèce aussi – ne reconnaissent même pas l’existence de ce pays ! Difficile donc d’avancer dans cette situation, comme le remarque Toute l’Europe.

 

Pour être candidat à l’adhésion il est nécessaire pour l’Etat de respecter certains critères. Plus connu sous le nom de critères de Copenhague en référence à la réunion du Conseil européen qui s’est déroulé à Copenhague en 1993 et lors de laquelle ces derniers ont été établis. On retrouve un critère politique (l’existence d’institutions stables garantissant la démocratie, la primauté du droit, les droits de l’homme, le respect et la protection des minorités), un critère économique (l’existence d’une économie de marché viable et la capacité de faire face à la pression concurrentielle et aux forces du marché) et un critère administratif (mettre en œuvre de façon effective l’acquis de l’UE et la capacité à assumer les obligations découlant de l’adhésion à l’UE).

 

Il est reproché au Kosovo, bien qu’adoptant une trajectoire pro-européenne, de ne pas remplir de manière assez satisfaisante les critères pour que puisse lui être accordé le statut de candidat. Dans son rapport sur l’élargissement du 30 octobre 2024, la Commission européenne appelle notamment le Kosovo à « intensifier ses efforts pour renforcer l’état de droit et pour protéger la liberté d’expression ». On reproche également au Kosovo ses relations conflictuelles avec la Serbie. Dans son rapport de 2023 sur le Kosovo, la Commission européenne précise que la « normalisation des relations est une condition essentielle pour que les deux parties avancent sur leur trajectoire européenne ». Car ni la Serbie ne faitt pas partie de l’UE, encore, et les négociations sont depuis longtemps au point mort. Autant d’éléments, parmi d’autres, qui peuvent être suffisamment de raisons valables pour refuser l’octroi du statut de candidat au Kosovo.

 

Mais il existe surtout ce problème de fond que nous avons déjà mentionné, qui bloque son processus de candidature : la contestation de son indépendance par encore certains Etats-membres de l’UE.

 

La non-reconnaissance partielle du Kosovo

 

Avant même de s’intéresser aux critères de Copenhague, il est nécessaire que l’Etat qui demande l’adhésion soit reconnu comme tel par les autres Etats-membres qui ont à décider du sort de cette demande. Voilà une des particularités de la candidature du Kosovo.

 

Une particularité liée à son histoire. En effet, à la suite des conflits qui font rage en ex-Yougoslavie et aux tensions entre Belgrade et Pristina, le Conseil de sécurité des Nations Unies à travers sa résolution 1244 décide en 1999 de placer le Kosovo sous administration internationale provisoire. Le 17 février 2008, le Kosovo déclare unilatéralement son indépendance. Cette déclaration unilatérale d’indépendance a par la suite été l’objet de nombreuses contestations. Si la justice internationale n’y voit aucune entrave au droit international, il reste que certains pays n’ont toujours pas reconnu l’indépendance du Kosovo.

 

La reconnaissance d’un Etat (qui est définit par l’Institut de droit international comme « l’acte libre par lequel un ou plusieurs Etats constatent l’existence sur un territoire déterminé d’une société́ humaine politiquement organisée, indépendante de tout autre Etat existant, capable d’observer les prescriptions du droit international et manifestent en conséquence leur volonté de la considérer comme membre de la Communauté internationale » Session de Bruxelles, 1936, article 1er), est un acte d’un genre particulier, essentiel, qui complique l’existence d’un Etat au sein de la communauté des autres Etats. En effet, bien que ce ne soit qu’à travers la conjugaison de critères posés par le droit international qu’une entité peut être objectivement définie comme un État (critères posés par la Convention de Montevidéo de 1933 : un territoire, une population et un gouvernement effectif), la reconnaissance par les autres Etats joue tout de même un rôle important. Il ne s’agit pas d’un acte constitutif : il ne faut pas que l’Etat soit reconnu pour être Etat. Néanmoins il ne s’agit pas non plus d’un acte purement déclaratif et sans effets. Il est admis que la reconnaissance d’Etat est en réalité à la fois un acte déclaratif et constitutif.

 

La non-reconnaissance d’un Etat peut donc avoir de véritables conséquences. Elle a notamment des conséquences dans le cadre d’une candidature d’une entité à une organisation intergouvernementale. Ainsi l’exemple du Kosovo le démontre bien. C’est en grande partie parce que ce dernier n’est pas reconnu comme étant un Etat par cinq Etats-membres de l’UE qu’il ne lui est pas possible d’obtenir le statut de candidat. Bien que la non-reconnaissance n’engage que celui qui la prononce, qu’elle n’est a priori que déclarative pour partie, on se rend compte ici des effets pratiques qu’elle peut avoir.

 

A ce jour, seuls vingt-deux des vingt-sept Etats-membres de l’UE reconnaissent le Kosovo comme un Etat indépendant. On comprend alors ici le blocage substantiel auquel fait face le Kosovo.

 

La possibilité d’obtention du statut de candidat malgré une reconnaissance partielle ?

 

Bien que la reconnaissance ne soit pas constitutive de l’Etat, bien qu’il s’agisse d’un acte déclaratif qui n’engage que celui qui la prononce, il semble peu probable que sans cette dernière par l’ensemble des pays membres de l’UE, le Kosovo puisse obtenir le statut de candidat.

 

En effet, étant donné que selon la règle de l’unanimité dans le cadre du Conseil de l’Union europénne, chaque Etat est dans l’obligation de se prononcer en faveur ou contre l’octroi du statut de candidat à un Etat qui le demande, même les Etats qui ne reconnaissent pas le Kosovo doivent se prononcer. Tous doivent approuver la candidature, aucun ne peut s’abstenir. Or si un Etat A ne reconnait pas un Etat B, il ne peut accepter sa candidature. Si l’Etat A ne reconnait pas l’entité B comme étant un Etat, il lui est impossible d’autoriser que cette entité (qui n’est pas un Etat selon lui) soit candidat à l’adhésion à l’UE alors même que les règles de l’UE sont claires : seuls les Etats peuvent être membres. Si cet Etat A venait à se prononcer en faveur de la candidature de l’entité B cela pourrait être équivalent à une reconnaissance implicite de sa part.

 

En effet, accepter la candidature d’une entité c’est reconnaitre que cette entité est un Etat indépendant puisque seul des Etats indépendants peuvent être candidat à l’adhésion. L’Etat A qui ne reconnait pas l’Etat B irait à la fois à l’encontre de sa politique interne et de la politique de l’UE s’il venait à accepter la candidature de l’entité B.

 

La candidature du Kosovo à l’UE ne peut donc passer que par une reconnaissance préalable de son indépendance par l’Espagne, la Grèce, la Roumanie, la Slovaquie et Chypre. Il est en effet difficile de penser que les Etats-membres précités s’expriment en faveur de l’adhésion du Kosovo à l’UE alors même qu’ils ne le reconnaissent pas comme un Etat indépendant en parallèle.

 

Conclusion

 

Pour les Balkans, la route vers l’adhésion est encore longue et le chemin semé d’obstacles. Si tout porte à croire que certains, à l’image du Monténégro, sont en bonne voie et que leur adhésion aboutira un jour, il en va différemment pour le Kosovo. L’obstacle que représente sa non-reconnaissance par cinq des Etats-membres de l’UE est important et empêche lui seul une perspective d’octroi du statut de candidat pour le moment.

Maison de l'Europe de Paris

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