Quelle histoire pour la défense européenne ?

Quelle histoire pour la défense européenne ?

 

 

« Si l’Europe veut survivre, elle doit s’armer. » Voilà les mots prononcés par Donald Tusk, le Premier ministre polonais, devant le Parlement européen le 22 janvier 2025, alors que la Pologne vient de prendre depuis le 1er janvier 2025 la tête du Conseil de l’Union européenne. La sécurité et la défense européenne sont plus que jamais au centre de l’attention comme en témoigne le slogan choisi par la Pologne pour sa présidence : « Sécurité, Europe. » L’occasion de revenir à travers cet article sur l’histoire de la défense européenne.

 

Les prémices de la défense européenne dans l’histoire

 

Alors que l’Europe sort d’une des guerres les plus meurtrières de son histoire, une seconde plus indirecte débute : la Guerre Froide. Deux blocs s’affrontent dans une escalade de menace et une surenchère de communication sans jamais s’affronter directement. L’Europe est le terrain où la division est la plus visible. Le continent est séparé par un « Rideau de fer » pour reprendre les mots prononcés par Winston Churchill dans son discours de Fulton le 5 mars 1946. Si à l’Ouest de ce Rideau l’influence est américaine, à l’Est l’influence est soviétique.

 

Cette division est encore plus visible à Berlin, ville divisée en deux à l’image de l’Europe, avec Berlin-Est sous contrôle soviétique et Berlin-Ouest sous contrôle occidental (France, Royaume-Uni, Etats-Unis). Dans cette escalade des tensions toujours plus importante entre les deux blocs, Berlin-Ouest fait l’objet d’un blocus orchestré par l’Union soviétique le 24 juin 1948, empêchant tout ravitaillement de cette partie de la ville.

 

Face à la menace grandissante d’une agression soviétique et par peur de voir se dérouler sur le sol européen une nouvelle guerre, se dresse la nécessité pour les pays occidentaux de préparer une défense. C’est notamment dans ce contexte que fut créé, en 1949, l’OTAN.

 

Plus encore, le réarmement de l’Allemagne, alors toujours sous contrôle des puissances occupantes vainqueurs de la Seconde Guerre Mondiale, s’impose. Néanmoins le souvenir de cette guerre dissuade d’en faire ainsi. C’est alors que la France émet l’idée de la création d’une armée européenne sous l’impulsion de son ministre des Affaires étrangères : Robert Schuman. Face à cette proposition les débats seront longs mais finalement six pays (RFA, Belgique, France, Italie, Luxembourg, Pays-Bas) trouvent un accord et signent le 27 mai 1952 le traité de Communauté européenne de défense (CED). Ici se trouvent les prémices de la création d’une armée européenne alors placée sous le commandement suprême de l’OTAN. Cependant, pour entrer en vigueur le traité nécessite la ratification par les parlements des Etats signataires, ce qui ne sera pas le cas. Le texte est donc finalement rejeté en 1954, par la France.

 

En 1961, le Mur de Berlin est édifié. Jusqu’à sa chute, en 1989, la priorité en Europe est donnée à la coopération économique et non plus militaire. En 1992 est signé le traité de Maastricht et avec lui la naissance de l’Union européenne. Dans ce traité réapparait le sujet de la défense avec la création d’un pilier relatif à la Politique étrangère et de sécurité commune (PESC). On est encore loin d’une défense commune mais l’émergence de ce portefeuille replace la sécurité et la défense au cœur des priorités de l’UE.

 

Avec la volonté d’aller plus loin, François Mitterrand et Helmut Kohl créent dans la foulée (22 mai 1992) l’Eurocorps. Le but affiché est alors de doter l’UE d’un corps armée à sa disposition.

 

Tout s’accélère en 1998, avec le Sommet de Vienne et la décision d’ajouter à la PESC une Politique européenne de sécurité et de défense (PESD). Elle sera opérationnelle en 2001 et lance sa première opération militaire autonome, Artémis, en République démocratique du Congo en 2003.

 

En 2004 nait l’Agence européenne de défense (AED), centre communautaire de développement des capacités militaires.

 

Comme une étape supplémentaire, avec le traité de Lisbonne en 2007, la PESD est renommée « Politique de sécurité et de défense commune » (PSDC) et est créé le Service européen pour l’action extérieure (SEAE) en charge du suivi des effectifs civils et militaires de l’UE. Il faut noter aussi la création d’un système de défense mutuelle avec l’article 42.7 (invoqué d’ailleurs par la France à la suite des attentats terroristes du 13 novembre 2015).

 

En 2017 prennent vie la Coopération structurée permanente (CSP) et le Fonds européen de défense. Le premier vise à renforcer la coopération des Etats qui le décident quand le second facilite son financement. L’Europe de la défense prend encore une dimension différente en étant désormais soutenue par un véritable budget. A ce titre, marque du renforcement budgétaire en faveur de la défense commune, en 2021 est créé la « Facilité européenne de Paix » pour financer les actions opérationnelles. Elle servira très rapidement face à l’agression russe en Ukraine en 2022. La « Boussole stratégique » est dans cette lignée adoptée par les Etats, fixant le cap à suivre en matière de Politique de défense et de sécurité. Depuis, de nombreuses initiatives clés en matière de défense ont pu être discutées.

 

La défense européenne aujourd’hui

 

Voilà de manière résumé l’état des lieux qu’il est possible de dresser de l’Europe de la défense à ce jour. Or l’UE doit faire face à de nombreux défis pour sa sécurité. La guerre est à ses portes, les menaces ont évolués occupant aujourd’hui aussi le cyberespace, l’élection de Donald Trump fait courir le risque d’un désengagement des Etats-Unis de l’OTAN, le terrorisme est toujours présent sur son territoire et plus largement, les équilibres géopolitiques se redessinent. Gage d’un intérêt résurgent de cette thématique, un des vingt-sept commissaires s’est vu attribuer un portefeuille nommé « Défense et Espace » (le Lituanien Andrius Kubilius). Aussi, Ursula von der Leyen a même insisté sur cette notion, en précisant que l’UE se doit d’ « investir davantage dans sécurité et défense », ajoutant qu’il « est temps de construire une véritable Union européenne de la défense ». Il s’agit là d’un véritable appel à l’unité de l’Europe en matière de défense.

 

Maison de l'Europe de Paris

Maison de l'Europe de Paris

D'autres ressources qui pourrait vous intéresser.

Souscrire à notre newsletter