Le 1er juin 2021, le nouveau Parquet européen a officiellement pris ses fonctions à Luxembourg. Soutenu par vingt-deux des vingt-sept Etats-membres, le dispositif a pour vocation de défendre les intérêts financiers de l’Union. Focus sur ce nouvel organe indépendant de l’espace européen.
En 2018, la Commission européenne estimait à 140 milliards d’euros (European Commission 2020) la fraude à la TVA et à 7.3 milliards d’euros la fraude aux subventions européennes entre 2010 et 2019 (European Anti-Fraude Office 2020). Ces fraudes sont autant de pertes pour les Etats-membres et les institutions européennes, tout particulièrement à un moment où les aides publiques envisagées dans le contexte de la pandémie sont au cœur des débats.
L’article 325 du Traité sur le Fonctionnement de l’Union européenne stipule d’ailleurs que “les Etats membres de l’Union européenne doivent combattre toutes les activités illégales portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union”. Or, si l’Union disposait déjà de capacités d’enquête avec l’OLAF, organisme européen de lutte anti-fraude créé en 1999 et d’Eurojust créée en 2002, le nouveau parquet européen vient, deux décennies plus tard, combler les insuffisances des dispositifs existants.
> Un nouvel outil pour combler les lacunes de dispositifs anti-fraude déjà existants
Jusqu’à peu, si l’OLAF et Eurojust menaient déjà des enquêtes pour le compte des différents Etat-membres, ils devaient ensuite remettre leurs éléments aux autorités nationales. Or, un rapport de la Commission avait jugé que les poursuites étaient rarement engagées pour le compte de l’Union européenne.
Le nouveau Parquet européen aura lui pour mission d’instruire les enquêtes transfrontalières concernant des fraudes aux subventions européennes dépassant les 10 milles € ou les fraudes à la TVA dépassant les 10 millions d’euros (Vie Publique Au cœur du débat public 2021). Une fois l’enquête instruite et à la différence des deux organes déjà existants, il aura lui la capacité de poursuivre les présupposés fraudeurs devant les instances nationales concernées.
Il n’est pour l’heure pas envisagé d’ajouter un tribunal pénal européen au processus de lutte anti-fraude. Dans le cas de l’ouverture d’une enquête par le Parquet européen, les instances nationales de lutte anti-fraude qui pourraient enquêter au niveau national ou local devront arrêter leurs investigations et remettre l’ensemble de leurs éléments à la nouvelle autorité supranationale. Cette dernière ayant l’avantage de pouvoir investiguer sur l’ensemble du territoire européen, contrairement aux instances nationales.
Le Parquet européen se structure ainsi entre le niveau central, basé au Luxembourg et le niveau national, avec une représentation dans les pays membres.
Le niveau central est constitué notamment d’une Procureure générale élue pour 7 ans. Actuellement, cette fonction est occupée par Laura Codruta Kövesi. Le collège des procureurs constitue l’instance principale de ce niveau central avec un procureur par pays membre du Parquet européen. Ce niveau est chargé de la supervision des procureurs délégués du niveau national ainsi que d’une fonction de représentation pour la Chef du Parquet européen auprès des autres institutions.
Le niveau national est lui composé de 22 procureurs délégués, un par Etat-membres et des chambres permanentes. Les procureurs délégués agissent de manière indépendante de leurs autorités nationales et ont en charge la mise en œuvre des enquêtes et des poursuites devant les instances du pays concerné.
> Parquet européen : cinq États-membres manquent à l’appel
A ce jour, 22 pays de l’Union ont rejoint le Parquet européen. La Pologne, la Hongrie, l’Irlande et la Suède n’ont pas souhaité prendre part à ce dispositif. Le Danemark ayant actionné la clause de non-participation sur l’espace européen de sécurité et de justice, des discussions sont en cours afin de rendre possible une coopération à ce sujet.
En France, la Loi sur le Parquet européen, promulguée au Journal officiel le 26 décembre 2020, retranscrit au sein de l’ordre juridique interne les ajustements nécessaires à la mise en place de ce nouvel outil de la justice européenne.
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Article rédigé par le Centre Europe Direct de la Maison de l’Europe de Paris et publié en partenariat avec Voix d’Europe le 29/09/2021.